jeudi 10 mai 2012

Tunisie – Liberté d’expression: RSF s’inquiète de l’existence d’une justice à deux vitesses

Dans un communiqué de presse daté du 10 mai 2012, Reporters Sans Frontières a vivement dénoncé l’application de « lois à la carte », dans les domaines de la liberté de la presse et la liberté d’expression en général. 
RSF déclare ainsi regretter que le décret-loi relatif au nouveau code de la presse, officiellement en vigueur depuis les 2 novembres 2011, ne soit pas appliqué et que les lois liberticides, rendues caduques par ce même décret, soient préférées à ces nouvelles dispositions. 

RSF condamne ainsi l’application de l’article 121 paragraphe 3 du Code pénal, pour des affaires concernant les médias. «Le recours automatique aux lois répressives héritées du régime de Ben Ali met en péril l’esprit de la révolution. Certains articles du code pénal sont aujourd’hui utilisés de façon illégitime pour condamner des journalistes et des blogueurs», avait alerté l’organisation. 

RSF s’appuie, dans sa condamnation, sur les trois affaires qui ont fait l’objet de poursuites judiciaires et pour lesquelles un jugement a été rendu. Le directeur de la chaîne de télévision Nessma TV, le responsable du visionnage, ainsi que le propriétaire de l’association chargée de traduire le film Persépolis ont ainsi été condamnés à des amendes, de même que Nasreddine Ben Saida, directeur du journal Ettounissia, en application du même article du code pénal faisant état de «trouble à l’ordre public et atteinte aux bonnes mœurs». 
L’organisation met en parallèle ces condamnations avec celles des salafistes coupables d’avoir attaqué les locaux de la chaîne et le domicile de Nabil Karoui, qui ont été condamnés à une amende de 9,6 dinars, alors que le nouveau code de la presse prévoit également des sanctions pénales pour les agressions contre les journalistes. « Ces condamnations posent aujourd’hui la question de l’existence d’une justice à deux vitesses et d’une situation d’insécurité juridique dangereuse », s’inquiète Reporters sans frontières, dans ce même communiqué. 

RSF revient également sur l’affaire dite des « athées de Mahdia », condamnés, en vertu du même article 121, à sept ans et demi de prison et 1200 dinars d’amende, pour avoir publié des caricatures du Prophète sur Internet. L’un des deux, rappelle l’organisation, a été condamné par contumace, car il a fui la Tunisie et a demandé un statut de réfugié politique, en Europe. Pour le deuxième, incarcéré depuis le 28 mars dernier, l’appel du jugement sera examiné le 14 mai 2012. 

Reporters sans frontières appelle le gouvernement actuel à prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à ce flou juridique, créé par la non-application des décrets-lois officiellement entrés en vigueur et de faire en sorte que l’amendement de ce décret, voulu par ce même gouvernement, ne retarde pas la mise en place d’une législation plus respectueuse que celle appliquée sous la dictature. « Il n’est pas normal que les magistrats aient la possibilité d’appliquer les lois « à la carte » », conclut RSF dans son communiqué.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire